Les vignerons de Camplong

RENCONTRES VIGNERONNES

Les vignerons de Camplong

Un petit tour du côté de Camplong d’Aude appelle forcément un arrêt à la cave coopérative du village – la plus petite du département, et pourtant sans doute l’une des plus dynamiques. Petite mais costaud… Tour d’horizon des nouveaux projets en compagnie de Pierre Compan, le nouveau directeur.

Quelles sont les nouvelles orientations de la cave de Camplong d’Aude ?

Lorsque je suis arrivé en 2019 en tant que maître de chai, la qualité était déjà là. On m’a simplement demandé de faire un peu plus de sélection parcellaire. Ce travail a accéléré depuis que j’ai repris la direction de la cave, en décembre 2021. Avec l’aide du nouveau chef de chai, Nicolas Martre, notre but est désormais de créer de petites pépites, en quantité modeste, grâce à un important travail de tri dans le vignoble. Au sein de notre terroir, il est possible de se faire plaisir avec énormément de cuvées très variées.

 

Quelle est la spécificité de la cave de Camplong ?

C’est la plus petite cave indépendante coopérative de l’Aude : 30 adhérents, 240 hectares d’un bloc, 10 000 hectolitres par an. Heureusement, une bonne politique a été menée pendant ces dernières années au sujet de la conservation des cépages méditerranéens, capables de supporter de fortes chaleurs et d’arriver à d’importants niveaux de maturité. Aujourd’hui, nous allons chercher des vins très concentrés. C’est la signature de la cave. Nous passons un peu pour des fous dans les environs car nous vendangeons souvent une semaine à dix jours plus tard que les voisins…

 

Quels sont les avantages d’avoir une cave de petite taille ?

Le groupe est soudé, comme une bande de copains. Cela rend les prises de décisions plus simples et sympathiques, et permet une liberté dont les plus grosses caves ne bénéficient pas forcément. Nous pouvons lancer des projets de nouvelle cuvée très librement. D’ailleurs, on doit en avoir une vingtaine sous le coude !

 

Quelles sont vos dernières réalisations ?

Nous avons lancé en 2019 la Demoiselle Chapeau en rouge. Elle se distingue de nos autres rouges par une forme de bouteille originale et un profil de vin un peu plus féminin. L’assemblage contient beaucoup de Syrah, une belle acidité et beaucoup de fraîcheur. C’est déjà un succès mais on ne fera pas plus de 10 000 bouteilles. Car il n’y a pas d’avenir à vouloir faire plus de vin. Nous nous attachons à créer de la valeur sur chaque kilo de raisin qui entre à la cave. Nous faisons ce que nous savons bien vendre, pas plus, histoire de ne rien brader.

 

La cave est aussi réputée pour ses rosés…

Nos deux rosés, le C de Camplong (sorti en 2018) et le Peyres Nobles, possèdent deux profils très différents. Le C est le fruit d’une sélection parcellaire de Grenaches matures (taillés en gobelet pour que les raisins restent à l’ombre). On fait aussi des « cœurs de cuvée », c’est-à-dire que l’on ne garde que la meilleure partie des jus lors du pressurage, qui est suivi de très près. C’est un vin tendu au niveau de l’acidité, plutôt minéral et salin.

Quant au Peyres Nobles rosé, c’est un assemblage de Grenaches et Cinsault un peu moins concentré, aux notes d’agrumes, très gourmand et plus brasseur que le C.

 

Quel est votre principe de travail ?

Nous possédons un véritable diamant (la vigne), donc nous intervenons le moins possible. Car moins on intervient, plus les arômes sont agréables. Notre travail en cave porte donc principalement sur la gestion fermentaire (levures, bactéries, etc.) et des techniques de pressurage très précises. Nous savons extraire 4 à 5 jus différents sur un pressoir. C’est ce qui fait que l’on progresse sur les blancs et les rosés, alors que nous n’étions jusqu’alors qu’assez peu connus pour ces 2 couleurs.

" [...] notre but est désormais de créer de petites pépites, en quantité modeste, grâce à un important travail de tri dans le vignoble."

Quelle est la position des adhérents sur les sujets environnementaux ?

La cave est labellisée HVE et nous avons un adhérent en agriculture bio, dont on isole les raisins sur des cuves. Les autres coopérateurs travaillent très consciencieusement : confusion sexuelle pour lutter contre le vers de grappe, et très peu de traitements grâce à notre climat méditerranéen sec. Et puis nous sommes sur le versant Sud de la montagne, légèrement en altitude, donc nous subissons un peu moins la sécheresse. Nous avons de l’or entre les doigts !

 

Comment voyez-vous l’avenir de la cave de Camplong ?

Notre stratégie consiste à capitaliser sur le nom « Cave de Camplong », qui est aussi le nom du village. Jusqu’à présent, l’unification de nos vins derrière une même bannière nous a permis de connaître un certain succès commercial et d’établir une identité forte. Aujourd’hui, la cave compte 30 adhérents et 7 salariés à temps plein sur un village de 300 habitants. Camplong offre encore un bureau de poste, une supérette et une école. Si on fait n’importe quoi ici et qu’on plante la boutique, 37 personnes perdent leur job, 30 familles du village se retrouvent dans le pétrin et nos terres se transforment en désert de garrigue… C’est à nous de faire en sorte que cela n’arrive jamais.